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Actes de la journée d'étude "La peine ne s’arrête pas à la sortie de prison" (en ligne)

Cette carte blanche parue dans La Libre, co-écrite par Harold Sax (Avocat et assistant à l’Université Saint-Louis – Bruxelles) et Marie Berquin, qui sont également Coprésident·e·s de l’Observatoire international des prisons, pose le constat que les politiques pénales et carcérales sont un échec (notamment en matière de récidives, détentions préventives, peines durcies, libérations conditionnelles retardées). Plutôt qu’entamer une réforme de fond, le ministre préfère augmenter la capacité du parc carcéral.

La Justice s’attaque au problème de la surpopulation carcérale.

Voilà l’intitulé du communiqué de presse publié le 7 février dernier par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne.

Le ministre y exposait de quelle manière il entend résoudre un problème qui se pose « depuis plusieurs décennies », en augmentant la capacité du parc carcéral belge, notamment par des places dans les prisons de Saint-Gilles et Termonde.

La naïveté et l’absence de vision politique claire d’une telle annonce font froid dans le dos.

Conséquences humaines indignes

Certes, la surpopulation carcérale n’est pas un problème neuf en Belgique. Les instances nationales et internationales n’ont de cesse de condamner l’État belge en raison des violations des droits internationaux des détenus qu’entraîne cette surpopulation.

Littéralement entassés à deux, parfois trois, dans des cellules prévues pour une personne, les détenus se voient régulièrement refuser l’accès à la douche, au préau, aux visites, aux activités, aux psychologues, aux assistants sociaux ou au culte, en raison de la paralysie générée par le trop grand nombre de détenus.

Les agents pénitentiaires subissent, de leur côté, une charge de travail plus importante. Dans le même temps, leurs revendications relatives au remplissage des cadres ne sont pas entendues. Ils travaillent quotidiennement en service réduit. Les agents doivent faire plus, en étant moins nombreux.

Inefficacité démontrée

Au quotidien, la surpopulation carcérale n’est donc pas juste un chiffre. Elle a des conséquences humaines dramatiques qui sont indignes d’un État de droit.

Ces conséquences doivent convaincre de l’absolue nécessité d’une vision politique claire, à court et à long terme et ce d’autant plus qu’en parallèle de l’augmentation constante du nombre de détenus depuis les années 1980, aucun indicateur ne permet de constater une augmentation de la criminalité.

Force est pourtant de constater que, d’aussi loin que remonte le problème de la surpopulation, la politique carcérale ne répond à aucune réflexion de fond mais est gérée, au jour le jour, dans une optique managériale de gestion de données, politique qui a pourtant démontré son inefficacité.

La loi Dupont de 2005

En 1998, le ministre de la Justice de l’époque mettait en place une commission (dite « commission Dupont ») avec pour objectif de réfléchir au sens de la détention et de réformer, en conséquence, le statut juridique des détenus.

La loi portée par cette commission, dite loi Dupont (2005), répond alors à un objectif réductionniste : il faut travailler dans le sens de la réduction du recours à l’enfermement comme peine.

Le constat est clair : la prison ne répond pas aux objectifs qu’on lui attribue. Il faut réformer le déroulement de la détention, les modalités de celle-ci.

Les causes de la surpopulation carcérale sont alors déjà bien connues : recours massif à la détention préventive, multiplication et allongement des peines, difficulté d’accès à la libération conditionnelle.

Masterplans de construction

Pourtant, dès 2008, un premier masterplan de construction de nouvelles prisons voit le jour, bien loin de la politique réductionniste annoncée.

Dès 2011, la Cour des comptes fustige le masterplan. Tout d’abord, de telles constructions ne résoudront pas le problème de la surpopulation carcérale mais entraîneront bien au contraire une inflation carcérale. Mais surtout, dit la Cour, il y a fort à parier que les nouvelles constructions ne remplaceront pas les anciennes mais ne feront qu’augmenter le parc carcéral.

Malgré ces avertissements, les masterplans de construction de nouvelles prisons vont se succéder…

La Cour des comptes le disait déjà à l’époque, suivie dans cette idée par le comité de prévention contre la torture du Conseil de l’Europe dès 2012 : une politique globale est nécessaire, une réflexion plus vaste doit être menée sur le sens de l’incarcération, la gestion des établissements et de la population carcérale.

Pourtant, les différentes législations ne vont mener, en parallèle des masterplans, qu’à des réformes de l’exécution des peines : toujours plus de fermeté, régimes de détention durcis, accès à la libération conditionnelle retardé. Là sont pourtant les causes identifiées de la surpopulation carcérale…

Toujours plus de cellules

La récente déclaration du ministre est donc effrayante à plusieurs égards.

Le ministre tente à nouveau de faire croire que l’augmentation du parc carcéral va résoudre le problème de la surpopulation carcérale.

Dans le même temps, il annonce pourtant que les prisons de Saint-Gilles et Tongres, qui devaient être définitivement fermées en conséquence de la construction de nouvelles places, seront maintenues encore plusieurs années, contrairement à ce qui avait été annoncé.

Cette annonce est déjà la preuve que les nouvelles prisons ne remplaceront pas celles qui tombent en ruine : de nouvelles cellules seront ajoutées au parc carcéral, qui seront aussi vite remplies. Les avertissements de la Cour des Comptes depuis 2011 n’auront donc servi à rien. Le ministre reste aveugle.

Une gestion numérique, pas humaine

Mais surtout, une fois de plus, la politique annoncée par le ministre n’en est pas une. Il gère des cellules, des places, des chiffres, dans une apparente logique numérique qui ne tient pas compte des humains.

La prison permet-elle d’éviter la récidive ? Permet-elle de préparer une réinsertion des personnes détenues dans la société ? Permet-elle de lutter contre la criminalité ? Les conséquences néfastes de la détention (désocialisation, rupture de lien, impact psychologique sur le détenu, impact social et économique sur toute sa famille) sont-elles justifiées par des objectifs clairs ?

L’Association des directeurs de prison appelait elle aussi à un débat de fond sur le sens de la peine dans les pages de La Libre le 31 janvier 2022 : « Ce n’est l’intention de personne, mais, comme elle tourne pour l’instant, la prison crée la récidive qu’on dit vouloir éviter », disait Vincent Spronck, directeur de la prison de Mons. Le ministre reste sourd.

L’Observatoire international des prisons et toutes les personnes qui travaillent au sein ou côtoient quotidiennement des établissements pénitentiaires font le même constat d’échec des politiques pénales et carcérales. Mais plutôt que de réellement les questionner, le ministre fait une fois de plus une annonce spectacle dont l’inefficacité est démontrée d’avance.

Référence bibliographique

Permalien

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