AutonomiCap : l'autonomie à l'épreuve du handicap, le handicap à l'épreuve de l'autonomie
Ce projet ARC interdisciplinaire a été déposé par Valérie Aucouturier (philosophe, Centre PROSPERO), Yves Cartuyvels (criminologue, GREPEC), Abraham Franssen (sociologue, CES), Isabelle Hachez (juriste, CIRC), Nicolas Marquis (sociologue, CASPER) – porte parole, Yannick Vanderborght (politologue, CRESPO).
Résumé exécutif du projet
L’objectif principal de ce projet interdisciplinaire est de fournir une meilleure compréhension de la manière dont les catégories, omniprésentes autant que fuyantes, de « handicap » et d’« autonomie » interagissent aujourd’hui.
Il s’agit d’étudier en quoi les rapports entre autonomie et handicap transforment diverses pratiques et expériences professionnelles, contribuent à entretenir (ou à atténuer) les tensions entre les projets de vie personnels et l’inclusion sociale, l’égalité et la reconnaissance des différences, la responsabilité personnelle et la protection sociale.
La littérature scientifique montre que ces deux catégories sont aujourd’hui plus largement utilisées qu’auparavant, alors même que leur aspect multidimensionnel (dans leurs usages de sens commun, dans leur usages normatifs, juridiques et philosophiques, au cœur des référentiels de l’action publique) rend difficile l’évaluation de leur portée et de leurs implications respectives.
D’un point de vue empirique, le projet se concentrera sur la manière dont les notions de « handicap » et d’« autonomie » se traduisent sur deux scènes spécifiques qui seront analysées dans une perspective comparative : d’une part, l’internement pour les auteurs d’infraction pénale atteints d’un trouble mental, qui échappent au système pénal en raison de leur irresponsabilité ; d’autre part, l’institution dite de la « Vierge noire » qui, au niveau fédéral, octroie des prestations sociales afin de compenser le manque d’indépendance ou de capacité de gain dû à un handicap.
Ces deux scènes constituent d’excellents points de départ pour l’analyse des significations changeantes et des usages fluctuants du « handicap » et de « l’autonomie ». Ces deux domaines sont en effet travaillés par des mouvements de promotion de « l’autonomisation » de personnes étiquetées (mentalement ou physiquement) « handicapées ». Les personnes en situation de handicap, que cela soit sur la scène de la Vierge noire ou sur celle de l’internement, sont progressivement considérées comme ayant le droit et/ou le devoir d’accroître leur capacité à prendre soin d’elles-mêmes et d’être responsables de leur trajectoire. Cette évolution est notamment liée à la ratification par la Belgique de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et à sa mise en œuvre progressive, même si celle-ci est parfois paradoxale au cœur des différents domaines et compétences d’une action publique fragmentée à l’égard des personnes en situation de handicap.
La problématique centrale de la recherche est d’analyser dans quelle mesure la montée en puissance des références à l’’autonomie dans le champ du handicap remodèle les objectifs et les modalités de l’action publique, comment elle se traduit dans la réalité des pratiques, et avec quels impacts et effets sur les expériences et les subjectivités des personnes concernées.
Ce questionnement sera abordé dans le cadre de cinq « workpackages » complémentaires, dans une démarche à la fois comparative et interdisciplinaire, au croisement des expertises juridiques, sociologiques et criminologiques, politologiques et philosophiques des promoteurs et des chercheurs :
- de la CDPH à sa mise en œuvre dans les systèmes juridiques belges ;
- des textes juridiques aux pratiques des professionnels au sein des dispositifs ;
- des pratiques des professionnels aux conséquences sur l’expérience et les subjectivités des destinataires ;
- des usages ordinaires aux fondements conceptuels de l’autonomie et du handicap ;
- du référentiel de l’Etat social protecteur à la promotion active de l’autonomie individuelle.